À six jours du premier tour de la primaire PS, la candidate se révèle en répondant à nos questions décalées.
La présidente de la région Poitou-Charentes, et candidate à la primaire du PS, Ségolène Royal
Ségolène Royal, Arnaud Montebourg, Manuel Valls, François Hollande, Martine Aubry et le PRG Jean-Michel Baylet sont en campagne pour être investi candidat du PS à l'élection présidentielle 2012. Ils sillonnent la France à la rencontre des électeurs, et des débats télévisés ont permis de populariser leur projet pour la France.
À une semaine du premier tour, ils ont accepté de répondre, par mail, à un questionnaire plus intimiste, qui révèle une part secrète de leur personnalité. Ils ont pris le temps d'y répondre, avec sérieux souvent, humour parfois. Aujourd'hui, Ségolène Royal ouvre notre série.
Peut-on rire de tout ?
Sans doute, mais pas avec n'importe qui, comme le disait jadis Pierre Desproges. Il y a rire et rire : j'aime l'humour qui pétille, pas l'ironie qui grince ; j'aime le rire libérateur, pas celui qui humilie.
Si vous étiez un homme/femme politique d'un autre bord politique que le vôtre, vous seriez qui ?
Simone Veil tenant bon sous les insultes pour le droit des femmes à l'interruption volontaire de grossesse. De Gaulle : pour sa tenue et sa stature.
Quel péché capital n'en est pas un ?
La gourmandise. Contre les nourritures standardisées et les ravages des pesticides, je défends les produits de l'agriculture de qualité, la formation du goût des jeunes générations et une gourmandise informée à la portée de toutes les bourses.
Le défaut pour lequel vous avez de l'indulgence ?
La raideur quand elle rime avec grandeur pour son pays.
Si vous n'étiez pas française, de quelle nationalité seriez-vous ?
Sénégalaise puisque je suis née près de Dakar. Je démontrerais que le XXIe siècle sera celui de l'Afrique maîtresse de son destin.
La rencontre qui a changé votre existence ?
Les professeurs qui ont cru en moi, m'ont poussée à me dépasser et à m'émanciper, et bien sûr François Mitterrand, aux côtés duquel j'ai appris le courage et la volonté.
La personnalité que vous n'inviteriez jamais à votre table ?
Tout assassin de son peuple. Hier M. Khadafi, aujourd'hui M. el-Assad, et quelques autres qui ne valent pas mieux. Le chef de l'État doit, dans l'intérêt du pays, établir des relations avec toute sorte de régimes, mais l'amitié de la France ne saurait être bradée au mépris de ses valeurs.
Avez-vous peur de la mort ?
Sans doute un peu, comme tout le monde, mais je crois qu'une vie consacrée à ce que l'on estime devoir faire est la meilleure façon d'aborder cette échéance avec un certain sentiment de plénitude et de sérénité.
Votre rituel avant de monter sur scène ?
Rien de magique : je me concentre et puise ma force dans la joie palpable de ceux auxquels je vais m'adresser.
De quoi avez-vous honte ?
De tout ce qui abaisse la France, la rend infidèle à ses valeurs et affaiblit son message.
Derrière les fourneaux ou les pieds sous la table ?
Les deux ! Cuisiner pour ceux qu'on aime et se détendre à une bonne table, pourquoi faudrait-il choisir entre ces deux façons de partager un moment de convivialité ?
Votre plus belle défaite ?
L'élection présidentielle de 2007, parce que ce fut un beau combat et une forte espérance malgré l'infinie tristesse du résultat. Une défaite n'est laide que si on n'en tire pas les leçons pour faire mieux la prochaine fois. Les belles défaites sont celles qui préparent les victoires à venir. On voit aujourd'hui à quelle imposture cette défaite correspondait.
Dans quel cas mentir est acceptable ?
À part sous la torture, où c'est un acte de courage, je ne prête aucune vertu au mensonge, ni dans la vie personnelle ni dans la vie politique. Mensonges privés ou mensonges publics, je m'y refuse. Marc Bloch, dans L'étrange défaite, dit joliment que "notre peuple mérite qu'on le mette dans la confidence". Je m'y tiens.
Vous auriez aimé être le héros de quel épisode historique ?
L'abolition définitive de l'esclavage en 1848. L'appel du 18 juin quand il était minuit dans le siècle et qu'il fallut l'audace visionnaire d'anticiper, au-delà de la bataille perdue, la guerre à gagner et la France à la table des vainqueurs, moralement, militairement et politiquement redressée.
Quel rapport entretenez-vous avec votre corps ?
Un rapport amical, mais pas obsessionnel. J'ai la chance d'avoir une constitution robuste, du fait de mon enfance à la campagne, c'est un atout pour travailler d'arrache-pied.
Le coup de folie que vous souhaiteriez avoir ?
Un voyage dans l'espace pour prendre la mesure de l'univers immense dans lequel s'inscrit notre petite planète.
Le duel qui vous a le plus emballée ?
Celui de Jaurès et Déroulède à cause d'une femme : Jeanne d'Arc. Il opposait deux conceptions de la nation et du patriotisme, débat toujours actuel
.
Le tableau que vous aimeriez accrocher chez vous ?
Apollinaire et ses amis de Marie Laurencin. C'est un joli portrait de groupe où l'on voit Picasso et d'autres parties prenantes de cette période cubiste qui exprimait, il y a plus d'un siècle, une révolution des sensibilités et l'avènement d'un regard neuf.
Un livre qui mérite d'être lu plus d'une fois ?
Les contemplations de Victor Hugo, car on y trouve toujours ce qu'on n'avait pas forcément aperçu à la première lecture ou à un âge différent.
Les sons qui vous entraînent ?
La musique dans une église romane, ce qui m'a conduite à créer les "Nuits romanes" dans ma région.
Et Dieu ?
J'ai reçu une éducation catholique, cela m'aide à comprendre d'autres fois et ce qu'il y a d'universel en chacune d'elles. Ceux qui croient au ciel et ceux qui n'y croient pas, comme disait Aragon, peuvent partager une même foi en l'humanité et des valeurs communes qui transcendent les convictions, religieuses ou philosophiques, de chacun. Femme d'État, je serai la gardienne d'une laïcité républicaine respectueuse de la liberté de conscience, de pensée et de culte.
Votre plus grand regret ?
N'avoir pas gagné en 2007 pour épargner à la France cinq ans de sarkozysme, et la faire grandir et l'épanouir. J'espère pouvoir lui faire rattraper le temps perdu.
Expression libre
Trente ans d'engagement politique m'ont convaincue que vouloir les Français plus heureux, plus confiants en leur avenir et plus fiers de leur pays est la seule raison valable de mettre son énergie au service de la France.
Notre nation a voulu ses citoyens égaux en droits et en devoirs. Cette promesse républicaine est aujourd'hui bafouée par l'arrogance de la finance et les dérives d'un pouvoir au seul service de quelques-uns. Construisons une République du respect et un ordre social juste pour reprendre ensemble notre destin en main et donner à chacun une vie meilleure.
source le point