Nouveau happening télévisuel de Dominique Strauss-Kahn ce week-end ? Trois semaines après sa prestation au JT de France 2, est diffusé ce dimanche à 12 h 45 sur Canal + Un an avec DSK, au cœur du FMI. Pour créer le buzz, des extraits du documentaire ont été montrés à la presse, mais le morceau de choix où il évoque ses ambitions pour 2012 a été gardé secret. Alors, candidat ?
Suspense. Libération a visionné la moitié de ce film de cinquante-sept minutes, et interrogé son auteur. Réponse peut-être d’ici quelques lignes. C’est-à-dire après avoir raconté quelques tranches de la vie du «managing director» du FMI, qui n’en est pas moins homme. Et de gauche. «Un homme de gauche, ce n’est pas nier la réalité. Il faut savoir ce qu’on peut faire. Se donner une ambition un peu au-delà, disserte l’intéressé. Il faut dépasser le possible, mais pas promettre l’impossible.»
Tournedos. Entre deux voyages où le «bon docteur» du Fonds monétaire prescrit des remèdes de cheval à des pays au bord de la faillite, on le voit à la manœuvre à Washington avec un ministre grec des Finances aux abois. Défroisser à l’hôtel ses costumes à la vapeur de sa baignoire, «un peu comme un voyageur de commerce». Vendre un FMI affable à des étudiants polonais. Comploter avec Christine Lagarde, laquelle glisse, perfide, que le «job» du socialiste «n’est pas facile» : «C’est comme caresser dans le bon sens du poil 150 chats à la fois.»
On le découvre aussi chez lui à Washington, chemise en jean, se rendant, au volant de sa berline Audi, au match de foot annuel du FMI en compagnie d’Anne Sinclair, son épouse. «Je suis paumé», lâche-t-il, penaud, en cherchant sa place de parking. Sur le terrain, son équipe arbore un tee-shirt siglé «Yes we Kahn». «I ’ll vote for you !» lui lance une quadra américaine, enthousiaste. Le slogan «a servi une fois, il ne peut pas servir deux fois» désamorce vite DSK, suant au soleil.
Dans une autre scène, on aperçoit Anne Sinclair lui caressant affectueusement le dos dans son bureau. Et, un peu plus tard, fatiguant une salade XXL dans la cuisine de leur maison de briques rouges éclairée par un réverbère à gaz. Une séquence qui devrait devenir culte, où DSK tourne et retourne des steaks aux fines herbes sur un gril Gaggenau : on n’est pas dans la famille Ikea. C’est «de la viande aux hormones», mais que c’est bon, se pourlèche Sinclair à la vue des quatre gros tournedos. Après enquête, nous sommes en mesure de révéler que le couple les a partagés avec les journalistes frenchies.
La scène contraste avec celle tournée lors d’une manifestation contre le plan de rigueur grec imposé par le FMI. «Je lui donne 2 euros pour qu’il m’achète mon pain. Il m’a tout pris, ce salaud !» s’étrangle une vieille Athénienne, tandis que la foule pend une effigie de DSK. Selon le dispositif particulier de ce film, l’ex-député de Sarcelles, assis dans un fauteuil sur fond noir, réagit à certaines séquences lors d’une interview réalisée en janvier 2011. «La réalité, c’est que ces gens-là sont dans la merde. Et gravement. Quand la dame dit "je ne peux plus acheter mon pain", c’est vrai. Cette colère est légitime […] Si on n’était pas venus, ils seraient tombés au fond du gouffre», se défend Strauss-Kahn. L’occasion de peaufiner son profil de présidentiable ?
«Confirmation». «Il y a un truc qui s’est passé dans sa tête. On était là au moment où il a pris sa décision. Je ne sais pas laquelle», confie Nicolas Escoulan, auteur du film, pour qui la candidature de DSK ne fait plus de doute. «Il va jusqu’au bout de la limite du raisonnable existant dans les statuts du FMI», ajoute Emmanuel Ostian, rédacteur en chef de Dimanche plus. Voilà donc DSK de plus en plus candidat. Et ses lieutenants de rêver à une primaire «de confirmation» pour leur champion plutôt que «de compétition».
Avec DSK en tête des sondages, Marine Le Pen en embuscade, «il faudra que nous analysions la pertinence des primaires dans le contexte des mois à venir», estimait dès mercredi Pierre Moscovici. «La candidature de François Hollande, qui ne se différencie pas vraiment de celle de Dominique Strauss-Kahn, […] ne devrait pas s’affirmer», veut aussi croire le député de Paris, Jean-Marie Le Guen. «On ne peut pas avoir demandé des primaires et maintenant en priver les militants et sympathisants», rétorque Stéphane Le Foll, proche de Hollande.
Dans le camp Royal, on sourit : «J’avais dit que je pensais que c’était une erreur de reporter [la primaire] à l’automne», rappelait jeudi l’ex-candidate, pour qui la désignation aurait dû intervenir «avant l’été». De toute façon, à la direction du PS, on refuse de changer les règles, et on martèle que la primaire permettra, selon le numéro 2 du parti Harlem Désir, «de donner de la légitimité et de la force au candidat». Y compris pour un DSK tout juste débarqué de Washington. Qui ne dit toujours pas s’il est, ou non, candidat
source libération.