Après avoir dramatisé la perte éventuelle de la note AAA attribuée à la dette française, le gouvernement tente d'en minimiser les conséquences. Une erreur de communication qui pourraît coûter cher à Nicolas Sarkozy.
En quatre mois, le gouvernement a radicalement changé sur les conséquences de la perte de la note triple A attribuée à la France par les agences de notation, passant du catastrophisme à la dédramatisation. Une stratégie de communication qui pourrait coûter cher à Nicolas Sarkozy. Explications.
Le 24 août dernier, alors que le Premier ministre François Fillon dévoilait le jour même une batterie de mesures de rigueur pour réduire le déficit public, l'essayiste Alain Minc qualifie le "AAA" de la France de "trésor national". "S'agissant de la défense du AAA, c'est la France dans son ensemble qui est obligée de faire front", explique dans un entretien au Figaro ce proche du chef de l'Etat.
Le 18 octobre, alors que l'agence Moodys menace la note tricolore, le ministre de l'Economie François Baroin assure sur les plateaux de télévision de France 2 et de LCI que le gouvernement fait tout pour conserver le triple A, garant de "notre modèle social". Le 5 novembre, François Fillon déclare devant l'Assemblée générale des maires que le triple A est un atout "que nous devons préserver à tout prix." Ce prix, ce sera un deuxième plan de rigueur, le 7 novembre.
"Dans cette séquence de communication, le gouvernement s'adressait en priorité aux marchés financiers et aux agences de notation, afin de les rassurer sur la volonté de la France de tenir ses engagements en matière de redressement des finances publiques", décrypte Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l'Ifop.
Cela n'a pas fonctionné. Les agences de notation, refroidies par la perspective d'une plongée en récession de la France et peu convaincues par le dernier sommet des dirigeants européens, ont accentué leur pression sur la dette française. Fitch et Standard and Poor's ont placé le Ttriple A tricolore sous perspective négative, Moody's sous surveillance. La question n'est donc plus si, mais quand la France va être dégradée.
Le mal est fait
Face à l'inéluctabilité de cette décision, le gouvernement tente désormais de déminer le terrain. Dans un entretien au Monde lundi dernier, Nicolas Sarkozy estime que, finalement, la perte du triple A ne serait pas "insurmontable". Ce ne serait pas "un cataclysme", renchérit deux jours après le chef de la diplomatie française, Alain Juppé. "Ce qui importe, ce n'est pas le jugement d'un jour" des agences de notation mais "la trajectoire politiquement structurée et budgétairement rigoureuse" suivie par Paris, relativise de son côté François Fillon.
C'est ce qu'on appelle un rétropédalage en règle. Voire une "erreur de communication", selon Michèle Alliot-Marie. "Il y a trois mois, les Français ne savaient pas ce qu'était le triple A. Je ne suis pas une grande spécialiste de communication mais pour moi, ça m'est apparu comme, effectivement, une erreur de communication", a déclaré l'ancienne ministre de l'Intérieur dimanche lors du "Grand rendez-vous" d'Europe 1, I-Télé et Le Parisien.
"Si on perd le triple A, je suis mort", aurait déclaré Nicolas Sarkozy à des proches début décembre. Il n'a peut être pas tort. Car dans l'opinion publique, le mal est fait. Selon un sondage réalisé par l'Ifop pour Sud-Ouest Dimanche, 66% des Français estiment désormais que la perte du triple A aurait des "conséquences grave" sur l'économie française, 17% des interviewés considèrent même qu'elles seraient "très graves". "Si l'objectif du gouvernement était de faire prendre conscience aux Français de la gravité de la situation, l'objectif est atteint", ironise Jérôme Fourquet.
Cette stratégie de communication pourrait se retourner contre ses auteurs. Car le chef de l'Etat ne pourra plus se dédouaner en invoquant, comme il a coutume de le faire, les 35 heures et la retraite à 60 ans. "Si la France perd son triple A, Nicolas Sarkozy se retrouvera en porte-à-faux, explique Jérôme Fourquet. Après avoir été le gardien intangible de ce "trésor national", il sera le responsable de sa perte". Perte que les socialistes ne manqueront pas d'exploiter. D'ores et déjà, François Hollande raille le "triple échec" du président.
source l'express