Comment avez-vous jugé la prestation de François Hollande jeudi soir?
Sur la forme, elle était très réussie. J’ai eu dû mal à lui trouver des failles durant cette émission. Il y a pourtant eu de nombreux pièges. Notamment sur son changement de look, un thème sur lequel il a été beaucoup cuisiné. Mais il s’en est plutôt bien sorti, en affirmant qu’il s’imposait une "rigueur à lui-même".
Quels autres pièges a-t-il déjoué, selon vous?
Le piège numéro un s’appelait Alain Juppé! Je ne sais pas si on doit désigner un vainqueur pour ce débat mais François Hollande a en tout cas réussi son pari. Le piège portait sur sa "mollesse" présumée. Là, il a montré qu’il était tout à fait pugnace.
«La droite a sans doute fait un cadeau François Hollande »Qu’est-ce qui illustre cette pugnacité?
Il a occupé le terrain de la parole tout le temps, même en dehors du débat. Les journalistes et Alain Juppé - qui ne sont pourtant pas des amateurs - n’ont jamais réussi à l’interrompre. C’est une technique à la Mitterrand. Cela montre une certaine détermination et c’est bien joué de sa part. A de nombreuses reprises, il a pris le dessus sur Alain Juppé. Ce dernier a même fait une autre erreur : il s’est retrouvé à devoir défendre son bilan de Premier ministre alors qu’il était censé attaquer son adversaire.
A-t-il fait preuve d’arrogance comme a affirmé Alain Juppé, repris par de nombreuses personnalités de droite?
En tout cas, la préparation était mauvaise du côté de la droite. Alain Juppé a visiblement sorti un élément de langage que d’autres avaient déjà utilisé dans la journée.
Certaines des déclarations de Hollande laissaient tout de même penser qu’il s’apprête déjà à être le prochain président…
Il s’est visiblement mis dans la peau du successeur de Nicolas Sarkozy. Mais est-ce vraiment de l’arrogance? Ce terme est utilisé à contre-emploi. Je pense que c’est un mauvais argument. La preuve, Alain Juppé est lui-même tombé dans ce piège en lui disant "quand vous serez président". La droite a sans doute fait un cadeau à François Hollande sans le vouloir. Face à lui, ils ont mis "le meilleur d’entre eux" et le socialiste a réussi à le dominer. Alain Juppé a probablement servi de tremplin pour montrer que François Hollande a une étoffe de chef d’Etat.
«Il aurait pu le tester sur les questions internationales »Le débat entre les deux hommes était-il trop technique?
Il me semble que ce déballage de chiffres a également servi François Hollande. On l’attendait sur des précisions concernant son programme. Il a su répondre du tac au tac à Alain Juppé. Il a montré qu’il maitrise - ou du moins semble maitriser - son argumentaire. Son adversaire l’a attaqué sur l’économie, un domaine dans lequel Hollande semble au point. Mais en tant que ministre des Affaires étrangères, il aurait par exemple pu le tester sur les questions internationales…
François Hollande a-t-il raison de ne pas nommer explicitement le président de la République?
On peut le lui reprocher mais sa stratégie est de tourner la page de la présidence actuelle. Après qu’Alain Juppé a voulu lui faire prononcer son nom, il a changé néanmoins d’approche. Il était attendu sur ce refus absolu de parler de Nicolas Sarkozy et il l’a par la suite cité directement. Là encore, il a été malin. La prise n’a pas pris et il a donné le sentiment d’être insaisissable.*
Revivez le débat entre le candidat socialiste et le ministre des Affaires étrangères :