Des soldats belges, lors de manœuvres conjointes avec leurs collègues français, se sont recueillis voici quelques années devant la plaque commémorant la mort affreuse de leurs compatriotes. En 1960, le maire de l'époque Henri Gochard apposait une plaque commémorative rappelant le passé atroce du bagne de Sedan. Une histoire sombre et méconnue. ALORS que l'on ne compte plus les ouvrages sur les camps de la seconde guerre mondiale, on sait peu de chose sur ceux que l'armée allemande de Guillaume II ouvrit en Europe dès 1915… Il y en eut pourtant en France, en Belgique, en Allemagne, en Russie, en Lithuanie etc, où furent enfermés dans des conditions inhumaines des milliers de civils. Jean-Claude Auriol, invité lundi soir par la société d'histoire et d'archéologie du Sedanais, s'en est fait l'historien. Et ses recherches l'ont conduit à s'intéresser au bagne du château-fort.
Seulement mille survivants
Ce fut le plus terrible ! Qu'on en juge : sur les 5. 300 hommes incarcérés de janvier 1917 à novembre 1918, seuls mille survécurent…
Les deux tiers de ces prisonniers étaient belges, les Français formant le reste de cette population carcérale soumise aux plus atroces représailles. Entassés dans des chambres et un dortoir exigus, reposant parfois à même le sol, entre les murs suintant d'humidité, sans chauffage, ne disposant pour WC que d'une simple cuve ouverte, aux prises avec les poux et les punaises, les quatre à cinq cents malheureux, savaient que seule la mort pouvait les délivrer de leurs souffrances…
Mourant de faim, l'ordinaire étant composé, d'ersatz de café (de l'eau chaude avec de la poudre de gland), de soupes d'eau saumâtre dans laquelle baignaient parfois des choux ou des morceaux de viande de cheval avariée, de marmelade infecte, et de pain de guerre contenant parfois de la paille et de la sciure de bois (le fameux pain KK).
Les prisonniers se nourrissaient de rats, et on en vit même manger de l'herbe ! La dysenterie y exerça des ravages… en moyenne quatre à cinq hommes mouraient dans une seule journée. Sans cesse, leurs bourreaux les rouaient de coups de fouet, de schlague, de bâton…
Les dissections d'Asfeld
Selon une pratique rappelant assez celle des camps d'extermination de la Seconde Guerre mondiale, les morts étaient transportés à le caserne Asfeld, où ils étaient promis à la dissection. Un des témoins de l'époque rapporte qu'en cinq mois 732 cadavres disséqués à Asfeld y furent enterrés. Des morts mais pas seulement… Un malade, hospitalisé, pouvait être piqué et allait grossir l'effectif macabre.
« Arbeit macht frei » (le travail rend libre)… on connaît la sinistre devise. Elle fut appliquée avec la plus extrême rigueur au bagne de Sedan, ainsi qu'au commando de Bazeilles, dans la vermicellerie Passeur où bien des bagnards astreints aux travaux forcés moururent sous les coups des gardiens et les crocs de leurs chiens.
« A Sedan note Jean Claude Auriol les prisonniers partaient au travail… ou à la morgue… »
Un seul parvint à s'en échapper… Quant aux gardiens ils n'ont jamais été jugés. source:"l'ardennais"