Plus de 16.000 oeuvres d'art - tableaux, tapis ou chandeliers - manquent à l'appel... Toutes avaient été prêtées parfois depuis plus d'un siècle par les collections nationales aux administrations publiques françaises. C'est ce qu'a conclu une commission de récolement (pointage d'un inventaire) présidée par le conseiller maître à la Cour des comptes Jean-Pierre Bady, après dix ans de travail (1997-2007). Il manque donc, entre autres, une horloge Boulle déposée au château de Maisons-Lafitte, un dessin de Dufy qui devrait se trouver au musée Cantini de Marseille, une marine du XVIIe censée être au Quai d'Orsay comme un Miro déposé à l'ambassade de France à Washington ou une huile de Zoran Music (XXe) à Bercy. Au total, un millier de plaintes ont été déposées concernant les objets les plus précieux.
"Nous nous concentrons sur ce qu'il faut vraiment rechercher", dit Jean-Pierre Bady, qui se "réjouit" par ailleurs du fait que quelque 900 oeuvres aient été retrouvées pendant la décennie, au bout quelquefois de véritables enquêtes à rebondissements. Ainsi, trois tapis de la Savonnerie déposés à la mission permanente des Nations unies à New-York ont été retrouvés dans une galerie d'art parisienne, un vase japonais du XVIIIe à l'ambassade de France à Stockholm et une sculpture romaine derrière une cloison de bois du CNDP (Centre national de documentation pédagogique) à Paris, grâce au souvenir d'un gardien en retraite.
L'Éducation nationale, le mauvais élève
Selon le rapport, sur un total de 184.000 dépôts, 133.000 ont fait l'objet d'un pointage précis. Les 25 % d'objets restants devraient être étudiés d'ici deux ans par la mission, qui se poursuit. Sur ces 133.000 pièces, 20.000 ont été "non vues" : quelque 3.400 sont présumées détruites, principalement par les guerres, 150 ont fait l'objet de plaintes pour vol. 16.500 oeuvres, pièces importantes mais souvent de moindre valeur (Marianne de plâtre, copies de tableaux réalisés à des centaines d'exemplaires, affiches, etc.) sont "non localisées". 20 % des dépôts de la manufacture de Sèvres et ses milliers de vases ou de services à thé ont jusqu'à présent fait l'objet de la même enquête, commencée plus tard. Les mauvais élèves sont les ministères de l'Éducation nationale (la moitié des pièces déposées sont "non vues"), celui de la Défense (39 %) et de celui de l'Économie (36,1 %).
Cette mission présidée par Jean-Pierre Bady consiste à contrôler la présence effective des dépôts - une politique démarrée à la Révolution - des musées nationaux, Mobilier national, manufacture de Sèvres, Fonds national d'art contemporain pour meubler ou décorer les parties publiques des palais de la République, ministères, ambassades, préfectures, musées en région ou jardins publics. Elle avait été créée après un rapport de la Cour des comptes qui pointait les "graves insuffisances" dans les inventaires, la presse se faisant l'écho d'oeuvres retrouvées chez des particuliers ou des antiquaires, et de la mauvaise volonté des administrations d'ouvrir leurs bureaux. La ministre de la Culture Christine Albanel, qui a présenté les conclusions de la commission vendredi, envisage d'en faire une communication en conseil des ministres.
source: le point