LE PLUS. Il est toujours édifiant de découvrir les chiffres du train de vie de ceux qui nous gouvernent. En particulier... du premier d'entre eux, Nicolas Sarkozy, qui a inauguré la transparence en la matière. La transparence certes, mais pas la décence, dénonce notre contributeur Paul Tian.
"Crise !" Ce mot, nous l’entendons depuis des semaines, répété à satiété par Nicolas Sarkozy, ses ministres, les députés UMP, les commentateurs économiques et politiques… et même chez mes jeunes voisins, mais pas forcément pour les mêmes raisons. Nous vivons donc en période de crise aiguë et pour seul remède, les gouvernants nous proposent de serrer d’un cran supplémentaire notre ceinture…
Nous devons nous serrer la ceinture... nous tous ?
Dimanche, sur six chaines de télévisons et devant plus de 16 millions de téléspectateurs, Nicolas Sarkozy a justifié sa TVA sociale par le fait que nous étions en période crise et qu’il fallait que nous fassions tous un sacrifice pour préserver l’emploi, lutter contre les délocalisations et pour la compétitivité des entreprises françaises…
Alors que Nicolas Sarkozy nous demandait de faire, une fois encore, un sacrifice, pour tenter de sauver ce qui semble perdu d’avance, René Dosière, député PS de l’Asine, a publié un libre jeudi sur le… "train de vie monarchique de l’Etat bling-bling". Dans ce livre, "L’argent de l’Etat", l’élu dresse le bilan des dépenses pour le moins somptuaires de l’Etat. Et c’est ainsi que l’on apprend que les frais de bouche de l’Elysée s’élèvent à 12.000 euros… par jour.
Oui vous avez bien lu, il n'y a pas un zéro en plus !
"Chaque jour, Sarko dépense, en 'bouffe', ce que je gagne en un an ?" s’étrangle Elodie, la serveuse du Café de Vincent, où j’ai pris mes habitudes depuis quelques jours. Elodie me demande si je "galège" ! Ces chiffres ont toujours tendance à dépasser tous ceux qui tentent de survivre, en travaillant dur pour un salaire tournant autour des 1.000 / 1.500 euros. Il est toujours bon de rappeler que près de 8 millions de Français vivent aujourd’hui avec moins de 1.000 euros par mois. Sans perdre de vue que selon Jean-Paul Delevoye, président du Conseil économique, social et environnemental, 12 à 15 millions de nos citoyens ont des conditions d’existence indignes d’un pays développé.
Entre politiques et électeurs, le fossé se creuse
A 27 ans, Elodie est déjà une déçue de la politique. Elle ne sait même pas si en mai, elle se déplacera pour se rendre au bureau de vote. Je tente bien de lui expliquer qu'il ne faut pas baisser les bras, que c'est le seul moyen de prendre un peu sa destinée en main, et de ne pas laisser l'extrême-droite profiter de sa désillusion...
"Aucun des candidats que je découvre à la télé ne nous ressemble", me confie Elodie. "J'ai l'impression qu'ils vivent dans un autre monde que nous, avec leurs secrétaires, chauffeurs, femmes de ménage, concierges, baby-sitters, les comptes en banque bien remplis, des fins de mois qui ne les angoisse pas..."
Elodie met un peu à part les candidats du NPA et de Lutte Ouvrière, mais elle ne se souvient même plus de leurs noms... "Et puis à quoi cela servirait de voter pour eux, ils ne vont même pas dépasser les 1%!" En revanche, elle aimait bien le "facteur Besancenot", car "lui au moins, il savait ce que c'était de se lever tous les matins pour bosser". Je n’ai pas voulu démoraliser encore plus Elodie en abordant les déplacements présidentiels provinciaux avec des coûts de 600.000 euros pour deux heures…
Nos politiques ont besoin d'immersion dans notre quotidien
Il serait temps que président de la République, membres du gouvernement, députés, sénateurs, maires des grandes villes, conseillers généraux, régionaux… sortent de leur tour d'ivoire pour montrer l’exemple, et qu’en cette période de crise, l’effort demandé ne soit pas toujours porté par le même côté du manche.
Nicolas Sarkozy interviewé à la télévision, le 29 janvier 2012 (
Est-ce que les hommes et femmes politiques de ce pays peuvent imaginer comment un simple citoyen (son futur électeur) peut vivre avec 1.000 euros par mois ? Peuvent-ils se mettre, une seule fois, dans la peau de ce couple d’amis trentenaires, heureux parents d’une petite Anna, qui vit avec 1.700 euros de revenus mensuels ? Oui je serais heureux de les voir débarquer en face de chez moi et de frapper à la porte de mes amis, pour qu’ils essaient de vivre, une semaine durant, avec de tels revenus…
Mes amis ne sont pas des assistés. Ils ne sont pas chômeurs, ni bénéficiaires des minimas sociaux. Non, tous deux travaillent et sont obligés de "jongler" jour après jour pour tenter de survivre, et de ne pas plonger dans la désespérance.
Qui pour ouvrir la voie ?
Alors qu'on nous demande de nous serrer la ceinture, je m'étonne que le gouvernement ne se la serre pas, lui aussi. Par exemple en baissant les salaires du président, des ministres et parlementaires. François Fillon a annoncé un gel de ces salaires. Encore heureux ! Mais il aurait pu, aurait du aller plus loin en annonçant une baisse.
François Hollande, lui, a promis une baisse de 30 % du salaire du président de la République et de ses ministres. Certains diront qu'une telle promesse est démagogique, populiste. Peu importe, elle aura au moins le mérite de prouver à une majorité de cette France qui souffre qu'elle ne sera pas la seule à se serrer la ceinture face à une crise qui amplifie la violence de la misère.
Cette promesse, si elle est appliquée, est certes symbolique mais elle aura valeur d'exemple.
source le nouvel obs
