Poor's a donc dégradé la note de la France et ce ne sera pas sans conséquence sur la campagne présidentielle. Votre parti pris : lacandidature Sarkozy a, elle aussi, perdu son AAA. Expliquez-nous.
C'est même une triple alerte rouge pour Nicolas Sarkozy. Une alerte sur sa politique, une alerte sur son image et, par conséquent, une alerte très sérieuse sur ses chances d'être réélu. Depuis à peu près deux mois, il avait réussi une remontée dans les sondages en installant - peut-être pour la première depuis son élection - l'impression d'une solidité, d'une politique conduite selon un cap bien tracé.
Alors, bien sûr, il va continuer à se poser en président gestionnaire plutôt qu'en candidat agité, mais l'image qu'il voulait se donner, celle du grand protecteur des Français dans la tourmente, elle en prend un sacré coup. Et comme c'était son meilleur atout, c'est comme si sa candidature aussi avait perdu le AAA. Avec "perspective négative", comme disent les agences de notation.
Est-ce que Nicolas Sarkozy a commis une erreur, comme certains le disent, en focalisant l'attention depuis des mois sur la note de la France ?
Vu le résultat, on est obligé de convenir qu'il s'est trompé. Alain Minc, pour ne citer que lui, a perdu une occasion de se taire quand il a dit que le AAA était un "trésor national" et que Nicolas Sarkozy "jouait sa peau" sur sa préservation - je ne dis pas qu'il a eu tort de le penser... D'un autre côté, il faut bien dire que la plupart de ceux qui profitent du verdict de Standard & Poor's pour accabler Nicolas Sarkozy lui reprochaient jusque-là de gouverner uniquement pour les agences de notation.
Maintenant, ce qui est le plus terrible pour lui, c'est que, contrairement à ce que dit François Fillon, ce n'est pas seulement la situation économique de la France qui est sanctionnée, mais l'orientation de la politique choisie par Nicolas Sarkozy. Donc, il lui reste moins de trois mois pour en trouver une autre et convaincre les Français que c'est la bonne. Autant dire : mission impossible.
Vous voulez dire que la perte du AAA lui a d'ores et déjà fait perdre l'élection présidentielle ?
On ne peut être aussi catégorique. Mais il va devoir faire campagne à la fois dos au mur, face au précipice et au milieu des flammes : ça ne laisse ni beaucoup d'espace, ni beaucoup d'espoir... On comprend qu'il ne soit pas pressé de se déclarer ! Ce qui était déjà particulier dans cette élection, c'est que le président sortant était loin d'être le favori. Donc, il était condamné à faire une campagne d'outsider, à prendre des risques.
Désormais, il n'est presque plus outsider non plus. Si vous additionnez le rejet personnel qu'il suscite, le discrédit (relatif, mais important) de sa politique et surtout l'aggravation du chômage, qui a toujours été le facteur principal des grandes défaites électorales - de Giscard en 1981 à Jospin en 2002 -, sa campagne risque de ressembler davantage à un chemin de croix qu'à une marche triomphale.
Est-ce que ça va aussi avoir des conséquences pour les autres candidats ?
C'est toute la campagne qui va être transformée - peut-être en bien. Jusqu'ici, les candidats ont été dans l'attentisme, les équivoques, et parfois la caricature. Maintenant, ils savent qu'ils ne peuvent pas se contenter de promettre la rigueur ; il faut aussi proposer des recettes pour retrouver de la croissance. Pour gagner cette élection, il ne faudra pas être seulement sérieux et économe, mais aussi créatif et audacieux. De ce point de vue, la décision de Standard & Poor's assombrit l'avenir de Nicolas Sarkozy, mais elle peut éclaircir la campagne.
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